Propos de chercheurs

Construire la montagne de demain : entre risques, usages et mutations. Le temps est venu d’aborder les problématiques de manière holistique

François Nicot, directeur de la chaire MIRE et spécialiste des risques naturels sous l’aspect mécanique, estime stratégique de positionner ce programme scientifique d’excellence plus généralement sur l’évolution du milieu. Et ce pour accompagner au mieux la montagne de demain, dans un contexte de changements climatique et sociétal. 

Votre cœur de métier, ce sont les risques naturels sous l’aspect mécanique.  Qu’est-ce qui vous a emmené à vous intéresser à ce sujet et à réaliser notamment votre thèse sur le risque rocheux ? 

Je suis accompagnateur en montagne et traileur, c’est un milieu que je connais bien. Issu de l’École Centrale de Lyon notamment, j’ai consacré ma thèse aux risques rocheux en montagne, sans affiliation avec un territoire en particulier. C’est un axe intéressant qui me permettait de conjuguer mes recherches et ma passion.  

Quand j’ai débuté mes travaux, je me suis rendu compte que la communauté était parfois éloignée des avancées scientifiques. Ce constat m’a conduit à travailler de plus en plus en amont. J’ai développé des approches multi-échelles en essayant d’aller comprendre les mécanismes à l’échelle des grains, au niveau du squelette du sol, pour en extraire des modèles de comportement utilisables à l’échelle de la pente.  

Cela m’a permis d’introduire des méthodes numériques nouvelles et performantes applicables aux risques naturels d’origine granitaire ; un outil de prédiction plus puissant qui permet de décrire et de prédire la survenue d ruptures. Concrètement, il peut, par exemple, permettre de dimensionner de manière plus pertinente les ouvrages de protection.  

Un sujet particulièrement prégnant à l’heure du changement climatique. Cette trajectoire dans l’analyse du risque rocheux a d’ailleurs notamment trouvé son application dans un projet national baptisé C2ROP, Chutes de blocs, Risques rocheux et Ouvrages de protection, dont vous êtes partie prenante… 

Il est très raisonnable de penser que le changement climatique agit sur la stabilité des versants avec des précipitations plus fortes sur des temps plus courts, la remontée de la limite pluie-neige au cours des dernières décennies, des natures de neiges différentes, la fonte du permafrost… Les problèmes gravitaires sont plus présents (glissements de terrain, coulées de boues, chute de blocs…) plus complexes, plus globaux aussi. Ce projet national, construit à partir de 2011, réunit sur l’ensemble du territoire national la plupart des partenaires engagés dans la gestion du risque rocheux, des centres de recherche, des bureaux d’étude, des collectivités, des maîtres d’ouvrage… C2ROP a pour objectif de construire une chaine d’outils coordonnés (aléas-risque-parade), de structurer et d’animer la communauté… C’est un réseau qui assure un lien entre les travaux des chercheurs et les besoins des maîtres d’ouvrage et industriels. Il est toujours en cours, et devrait être prolongé jusqu’à au moins 2025. 

Vous assurez la direction scientifique de la chaire MIRE (Montagne, Infrastructure, Risque, Environnement), portée par la Fondation USMB et dont le lancement est prévu en septembre 2022. Qu’est-ce qui va singulariser ce programme scientifique d’excellence ? 

C’est une chaire qui intègre certes les risques naturels, mais qui se propose de traiter plus largement de l’évolution du milieu montagne par rapport aux changements climatiques. On perçoit l’espace montagne comme une pyramide composée de plusieurs versants en interaction les uns avec les autres : il y a les risques naturels gravitaires, mais aussi la question des ressources, qu’elles soient matérielles (comme l’eau), énergétiques (barrages) ou de pratiques (activités à vocation ludique, sportive, ou sanitaire) ; on parle aussi des usages touristiques avec de nouvelles pratiques qui voient le jour, d’autres qui sont en déclin…  À cela s’ajoutent les questions propres à la mobilité, mais aussi celles liées au maintien ou à la mutation des secteurs économiques existants, car sans activités économiques la notion même de milieu au sens large disparaît. Tous ces sujets sont prégnants et nécessitent un savant compromis qu’on devra retrouver dans la manière de construire la trajectoire de l’espace montagne des prochaines décennies. Le temps est venu d’aborder les problématiques de manière holistique, au travers de multiples questionnements.  

Nous sommes en train de bâtir le projet avec Cécile Déchand, directrice de la Fondation USMB. Nous souhaitons construire le programme scientifique d’ici le mois de mars, en intégrant la participation de plusieurs laboratoires.  

La chaire prendra par ailleurs appui sur trois sites pilotes des Alpes du Nord : l’espace valléen de Chamonix Mont Blanc, le massif des Aravis avec le Grand-Bornand et enfin le massif du Beaufortain.  

L’objectif est d’établir des diagnostics, de développer des outils puis de construire des modèles donnant des trajectoires supportables d’évolution pour l’espace montagne à l’horizon 2050. 

À travers la chaire MIRE – Montagne, Infrastructure, Risque, Environnement –, François Nicot propose une approche scientifique intégrée pour accompagner les transformations du milieu montagnard. En s’appuyant sur des méthodes innovantes de modélisation du risque rocheux, la chaire vise à construire des trajectoires d’évolution soutenables face aux enjeux climatiques, environnementaux et socio-économiques des Alpes.

EN SAVOIR PLUS SUR LA MONTAGNE, L’INFRASTRUCTURE, LE RISQUE ET L’ENVIRONNEMENT

La Fondation USMB s’intéresse aux préoccupations de son territoire Savoie Mont Blanc. C’est pourquoi elle s’implique pour l’innovation autour de l’axe « montagne et environnement ».
Dans cet axe, s’inscrit la chaire Montagne, Infrastructure, Risque, Environnement.

La chaire Montagne, Infrastructure, Risque, Environnement est un programme scientifique qui ambitionne de construire une trajectoire acceptable pour un écosystème ‘Montagne’ durable et responsable. Elle aborde les défis des territoires de montagne fragilisés par le changement climatique. 

Découvrez les avancées des chercheurs de l’Université Savoie Mont Blanc autour de cette thématique.