Propos de mécènes

Nous avons besoin de nourrir notre réflexion

Philippe Freychat, directeur recherche et développement – MAPED  

Le groupe haut-savoyard Maped, leader mondial des accessoires scolaires, est partie prenante du programme d’excellence consacré à l’économie environnementale, la chaire CLEE, portée par la Fondation USMB et Grand Annecy. Il souhaite notamment « trouver des leviers sur l’économie circulaire notamment ».  

Un mot de présentation tout d’abord du groupe Maped

Maped est une entreprise familiale, créée en 1947 en Haute-Savoie, aujourd’hui leader mondial des accessoires scolaires. Présente sur cinq continents et 120 pays, elle compte trois sites de production, emploie quelque 1 500 personnes dont 200 au siège à Argonay près d’Annecy où sont également produites les gommes et une partie des compas. Elle réalise en moyenne 160 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel pour 200 millions de produits fabriqués chaque année. 

A sa tête, Antoine et Romain Lacroix ont pris la succession de leur père Jacques et de leur grand-père Claude en 2019. Originalité : ils ont décidé d’exercer la direction du groupe de manière tournante, tous les trois ans. C’est actuellement Romain qui dirige jusqu’en 2024. 

Ils ont parallèlement entamé un vaste programme de rénovation de l’entreprise (“Reinventig Maped” entre 2020 et 2022 puis “Audace 2025” actuellement). 

Qu’est ce qui a motivé ce programme ? 

Le monde a changé, nos consommateurs ont changé, l’usage du papier baisse, or notre activité y est intimement liée…Nous avons senti la croissance marquer le pas, nous subissons la forte volatilité des cours de nos matières premières… 

L’idée est donc de réfléchir aux nouveaux enjeux – marché et environnement notamment -, d’imaginer comment aller plus loin sur l’éducation des enfants, de repenser notre manière de travailler ensemble au sein de l’entreprise…Nous ne pouvons plus rester seulement positionnés sur l’accessoire scolaire. Nous misons désormais sur tout ce qui concerne l’enfant en situation d’apprentissage. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à nous diversifier via des opérations de croissance externe, dans le loisir créatif par exemple (rachat de Joustra en 2016). Et nous ne nous interdisons pas d’autres acquisitions.  

Nous élargissons aussi notre gamme de produits, avec entre autres nouveauté attendue pour 2023 une trousse innovante co-conçue avec les écoliers.  

L’innovation, véritable ADN du groupe, reste un axe fort. Mais votre manière de l’aborder évolue aussi…

Effectivement. Nous allons lancer en janvier 2023 une gamme baptisée “Maped for many”. Dans les pays émergents comme l’Inde, l’usage de nos produits est réservé aux plus aisés. Nous avons donc décidé d’aller dans les villages, dans les slums de différents états et d’étudier ce qu’est le coloriage pour un enfant indien. Nous avons ainsi créé plusieurs variantes d’un produit que nous leur avons fait tester. Il en résulte un crayon de couleur tout-terrain parfaitement adapté à l’usage et aux conditions de vie locale. Il sera made in India for Indians.  

Cette innovation sera également déclinée en 2023 en Europe, avec des codes plus adaptés à ce marché. Nous cherchons clairement aussi à diversifier nos sites de production pour limiter notre dépendance à la Chine. 

Quid du numérique dans l’évolution de l’entreprise ? 

Ce n’est clairement pas notre coeur de compétence. Nous voulons permettre aux enfants de construire le monde avec leurs mains. Nous misons sur une éducation concrète et manuelle. Nous avons coutume de dire, comme Maria Montessori, que « ce que la main fait, le cerveau le retient ».  

Et côté interne, quelles évolutions ont déjà engendré le programme “Reinventing Maped” ?  

Les salariés du siège se sont vraiment mobilisés sur la base du volontariat pour participer à la réflexion. Cela a créé un super mouvement. Le programme “Reinventing Maped” a d’ores et déjà débouché sur la création d’un livre blanc du management. Nous avons par exemple remis à plat les relations entre managers et salariés. Nous avons aussi mis en place un système de reconnaissance entre collaborateurs. Chaque salarié dispose ainsi de 100 points à donner à des collègues. C’est une manière de valoriser les gens de l’ombre qui nous rendent service au quotidien, avec des cadeaux à la clé. Nous avons également fait porter nos efforts sur la création d’outils collaboratifs et développé un intranet en partant des besoins des “Mapédiens”. 

Dans ce contexte, vous avez aussi lancé le fonds “1 % for éducation” en 2021. Comment se matérialise-il ? 

Nous voulons permettre l’accès à l’instruction à tous les enfants et développer leur talent pour leur permettre de changer le monde. Nous y consacrons 1 % du chiffre d’affaires d’une quinzaine de nos produits. Parmi les premières associations bénéficiaires :  Shechem (Sénégal), Ma chance à moi aussi (Savoie)… Et les collaborateurs du groupe peuvent s’impliquer dans des projets auprès d’elles.  

Cette année, vous avez par ailleurs souhaité devenir mécène de la chaire consacrée à l’économie environnementale (CLEE), portée par la Fondation USMB (Université Savoie Mont Blanc) et Grand Annecy. Ce programme d’excellence vise “à concevoir et expérimenter un modèle permettant de concilier développement économique et préservation de l’environnement”. Pourquoi cet engagement et quelles sont vos attentes ? 

Les enfants sont notre raison d’être et nous ne pouvons pas leur préparer un monde invivable. Nous nous sommes d’ores et déjà engagés à diminuer notre empreinte carbone d’un tiers d’ici 2026, nous menons différentes actions sur nos emballages (suppression des plastiques ou utilisation de plastiques recyclés…), réutilisons la chaleur des compresseurs pour chauffer l’usine… 

Notre implication dans la chaire CLEE répond à plusieurs enjeux. Nous sommes un acteur du tissu économique local, bien ancré dans notre territoire et nous voulons nous y investir. Nous avons aussi besoin de nourrir notre réflexion. Nous souhaitons trouver des leviers sur l’économie circulaire. Nous sommes sur des produits tout petits qui passent au travers des filets du recyclage. Il y a peut-être des filières à imaginer, des solutions à trouver ensemble. Nous cherchons aussi comment réduire la part du plastique dans la conception de nos produits ou comment diminuer les dépenses énergétiques de nos sites… J’attends beaucoup des chercheurs de la Chaire CLEE. 

Justement, quelle est votre définition de la recherche ? 

La recherche pour moi, c’est explorer et acquérir les connaissances manquantes pour créer des choses nouvelles. 

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