L’utopie comme levier d’actions

Concourir à la transformation stratégique des stations de montagne via l’imaginaire collectif pour mobiliser toutes les parties prenantes et partager une même vision d’avenir ? C’est la piste retenue par Angèle Richard pour sa thèse. 

Qu’est ce qui a motivé le choix de votre thèse ?

J’ai grandi à l’Alpe d’Huez. Lors de différents stages effectués auprès de l’office de tourisme ou de la société de remontées mécaniques, j’ai eu l’occasion de travailler sur les enjeux environnementaux et sociaux de la station. J’ai alors eu envie de contribuer significativement à la compréhension et l’accompagnement de ces enjeux complexes en montagne grâce à la recherche. 

Angèle Richard Doctorante à l’IREGE, Institut de recherche en gestion et en économie Université Savoie Mont Blanc 

Comment ?

Jusqu’en 2025, je me suis lancée le défi de réaliser une thèse en management stratégique, et plus précisément sur le sujet suivant : Transformation stratégique des stations de montagne : une approche par le business model durable.

Je m’intéresse à la façon dont les stations de montagne peuvent repenser leur modèle économique par l’utilisation de la prospective. Une stratégie durable nécessite de co-construire une vision collective, c’est-à-dire à partir d’un ensemble d’acteurs, pour anticiper un futur souhaitable et désirable. Dans la pratique, j’observe cependant que les acteurs disposent d’intérêts parfois contradictoires parfois complémentaires, mais la plus grande difficulté est de dépasser les individualismes, les idéologies, les peurs ou les croyances liées à l’incertitude de notre époque.  Ce manque d’alignement, et notamment la difficulté à se mettre d’accord, m’interroge énormément. 

Comment parvenir à s’entendre et à se projeter ensemble dans l’avenir ? 

J’utilise les scénarii utopistes pour tenter de lever ces barrières psychologiques et initier une réflexion collective autour de la conception d’un business model durable. Ensuite, j’essaie de comprendre la façon dont les acteurs s’engagent. 

Mon but est premièrement, d’analyser les étapes d’une transformation d’un business model durable avant toute prise de décision en me posant la question suivante : par où, comment et avec qui se lancer ? Puis, je souhaite fournir des outils managériaux qui vont accompagner les stations de montagne dans leurs réflexions. 

Beaucoup d’initiatives sont déjà lancées en ce sens. Qu’est ce qui caractérise votre approche ?

Mon étude de cas pilote, qui constitue l’approche exploratoire de mon sujet de thèse, s’est déroulée dans une station-village de Haute-Savoie grâce à un partenariat inédit territoire-Université Savoie Mont Blanc. 

Dans ce cadre, j’ai proposé des ateliers créatifs, participatifs et prospectifs par petits groupes entre différents acteurs économiques, politiques, civils ainsi que des touristes (enfants compris). Chaque groupe a réalisé un état des lieux, individuel puis collectif, des besoins et des attentes puis les groupes ont échangé sur les enjeux présents et à venir. Après, l’atelier a permis d’imaginer une utopie verte en réalisant collectivement une carte postale par groupe, à partir de récits et d’images, qu’ils pourraient envoyer à leurs proches en 2050. Une fois cet exercice réalisé, les groupes étaient amenés à adopter un regard critique sur la vision d’avenir réalisée, pour dégager des pistes de réflexion, puis à initier une présentation collective. 

Avec quel résultat ?

L’intérêt de ses scénarii utopistes, c’est de réfléchir au caractère désirable d’un futur business model durable. La prospective permet la stimulation de l’imaginaire collectif en se basant sur des contraintes réelles. À partir de là, les acteurs s’autorisent à être optimistes en se détachant de leurs barrières psychologiques. Cet exercice de prospective utopique est finalement un moyen de créer de nouvelles représentations collectives et partagées qui sont l’essence même d’une vision stratégique de business model durable. Il devient alors plus simple de croire en un avenir désirable, et de s’y engager, lorsqu’on le visualise concrètement et qu’il est partagé collectivement. 

Et ensuite ?

Pour que cette utopie guide l’action collective et la prise de décision, il faut désormais réfléchir à son expérimentation permettant un processus d’apprentissage et de réajustement jusqu’à l’adoption de la vision stratégique. Il s’agit finalement de modeler le futur business model. Ensuite, les moyens de mise en oeuvre constituent la prochaine étape. Je souhaite par ailleurs réaliser des études similaires dans d’autres stations à l’étranger. 

À noter, que la transformation part d’un existant, elle peut être radicale comme incrémentale puisqu’au final ce sont les acteurs sur le terrain qui sont les plus à même à décider de l’orientation du futur business model une fois qu’ils ont construit une vision commune et partagée de l’avenir. Cela implique de bien se questionner sur les pistes d’action et les moyens à disposition pour les réaliser.