Propos de chercheurs 2022

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Vélo caréné : « On cherche le record du monde masculin »

Guillaume de France

Ingénieur ENSAM (Arts et Métiers)

Professeur agrégé de Génie Mécanique – IUT Annecy depuis 2009

Responsable projet vélo caréné Altaïr

Pouvez-vous tout d’abord resituer ce projet dans son contexte ?

 

Durant la deuxième année de leur DUT (devenu BUT) en Génie Mécanique et Productique, les étudiants de l’IUT doivent mener un projet en rapport avec leur formation. 

Depuis 2007, l’un d’eux consiste à créer un vélo caréné dans le but de battre des records du monde de vitesse dans le cadre du championnat du monde organisé chaque année dans le Nevada. L’idée est venue de Philippe Valleix, lui-même cycliste amateur, qui gérait les sections sports études de génie mécanique à l’IUT d’Annecy. Quand il a découvert l’existence de cet évènement, il a décidé de porter un projet pédagogique pour y prendre part.

En 2007, le premier vélo caréné de l’IUT, baptisé Altaïr 1, a été créé et a débuté par une compétition organisée par l’École Centrale. Les trois étudiants en sports études de l’IUT, qui ont pris place à bord du prototype, ont raflé les trois premières places dans leur catégorie respective.

 

Et depuis, Altaïr et ses descendants trustent les titres…

 

Un certain nombre de détails techniques ont ensuite été améliorés pour donner naissance à Altaïr 2. Ce deuxième prototype, piloté par le cycliste Yannick Lutz, s’est aligné dés 2009 sur les championnats du monde de vélo caréné, à Battle Mountain, aux USA. Cette première participation a été couronnée de succès : l’IUT d’Annecy a largement battu le record du monde universitaire de vitesse à propulsion humaine, en poussant le vélo à 117 km/h, record jusqu’alors détenu par la prestigieuse université américaine de Berkley avec 96 km/h.

Je suis pour ma part entré dans le projet en 2012. Nous avons construit deux nouveaux prototypes : Altaïr 3, toujours piloté par Yannick Lutz et Altaïr 4, par Aurélien Bonneteau, champion français de vélo couché non caréné.

Nous sommes retournés aux États-Unis cette même année. Avec 118km/h, Yannick Lutz l’a, une fois encore, emporté dans la catégorie universitaire masculine. En 2013, avec Altaïr 4, Aurélien Bonneteau a roulé à 124,98 km/h et fini 3e de l’épreuve… Et l’on a continué d’optimiser nos prototypes avec l’avènement d’Altaïr 5 et 6.

 

Qu’est-ce qui fait votre force ?

 

Pour aller vite avec peu de puissance, il faut être super performant sur l’aérodynamique. La forme de la coque d’Altaïr 6 a été créée par Pierre Baqué, un polytechnicien dans le cadre de son sujet de thèse. Il a développé des algorithmes d’intelligence artificielle visant à générer des formes aérodynamiques optimales par rapport à leur contenu.

Ce qui me plait par ailleurs, c’est de partager le projet avec des étudiants.  On a besoin de l’énergie et des compétences de chacun pour atteindre notre objectif.  Ils se prennent au jeu, s’investissent, les coacher dans cette démarche, c’est génial. Le projet est le support. Le point d’orgue étant de vivre la compétition avec eux.

 

Et 2019 a marqué une nouvelle et belle étape avec Altaïr 6 justement…

 

Effectivement. Lors de cette nouvelle participation aux championnats du monde, nous avons remporté le record absolu féminin à 126,52 km/h avec la cycliste Ilona Peltier. Record que l’on détient toujours. Notre deuxième pilote, Fabien Canal, coureur cycliste de haut niveau, a quant à lui roulé à 136,78 km/h et signé la deuxième meilleure vitesse de tous les temps. C’est une belle performance.

Ces beaux résultats nous ont même valu un courrier de félicitations du Président de la République grâce auquel nous avons pu entrer en contact avec le directeur technique national de la Fédération français de cyclisme. Nous cherchions un cycliste très puissant pour aller chercher le record absolu masculin (144,17km/h) qui nous manque encore. Il nous a recommandé François Pelvis, sept fois champion du monde sur piste et recordman du monde du km sur piste. Nous avons encore optimisé le vélo avec les étudiants, l’avons adapté à cet athlète qui a pu s’entrainer sur les pistes de l’aéroport Annecy-Meythet en juin 2021 puis, cette année, sur l’anneau de vitesse de Renault Truck près de l’aéroport de Saint-Exupéry.   


Quid du financement ?

 

C’est un projet qui coûte cher, environ 50 000 euros par an lorsque nous nous rendons aux Etats-Unis (plus de 70 000 estimés pour 2023 en raison de la hausse des coûts du transport). L’IUT nous soutient, la Fondation USMB nous a apporté un financement en 2022 de 5 000 € et, par son intermédiaire, nous avons obtenu un soutien similaire de l’entreprise Pfeiffer Vaccuum.

 

 Vos travaux ont-ils des retombées dans le domaine public ?

 

Potentiellement, ce qui pourrait être repris, ce sont nos travaux sur la forme de la coque. Avec moins d’un cheval de puissance, on réussit à rouler à plus de 130 km/h grâce à l’aérodynamique. Cela pourrait par exemple intéresser le secteur des vélos mobiles trois roues avec carénage, de tout petits véhicules qui consomment très peu d’énergie et permettent à un cycliste lambda de rouler à 50 km en musculaire. Mais pour l’instant, nous ne dévoilons rien tant que nous n’avons pas battu le record du monde masculin. Peut-être en 2023 ?

 

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 BARCA – PRÉSERVER L’EAU DES LACS

Jean Guillard

Directeur adjoint du pôle Recherche et Développement ECLA (ÉCosystèmes LAcustres) (OFB, Office Français de la Biodiversité – INRAE – UMSB)

Présentez-nous tout d’abord l’UMR CARRTEL et son Observatoire des LAcs (OLA). Quelles sont leurs missions ?

L’UMR CARRTEL et son Observatoire des LAcs réunissent des chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et de l’Université Savoie Mont-Blanc (USMB).

Ils contribuent aux connaissances nécessaires à la préservation et à la restauration de la biodiversité, du fonctionnement et des services écosystémiques rendus par les espaces aquatique d’eau douce comme les lacs.

Ce laboratoire de recherche assure un lien étroit entre “recherche amont” et “recherche appliquée” en intégrant la fonction de transfert dans sa structure même. Il vient en appui des gestionnaires des lacs, des pouvoirs publics, des pêcheurs… Il est aussi membre du Pôle R&D ECLA (ÉCosystèmes Lacustres) porté par l’Office Français de la Biodversité (OFB), l’INRAE et l’USMB.

 

L’eau douce et sa gestion est un enjeu de plus en plus prégnant en cette période de réchauffement climatique particulièrement sensible. Qu’en est-il de la santé des lacs en Savoie Mont Blanc ?

 

D’abord un rappel : la part de l’eau douce dans le monde est très faible, environ 3 %. Les lacs représentent 0,4 % de ces 3 %, mais remplissent de très nombreux services écosystémiques (approvisionnement, régulation, services socio-culturels/récréatifs…). C’est un point que nous avons tendance à oublier. À titre d’exemple, près de 900 000 personnes boivent chaque jour l’eau du Léman, 150 pêcheurs professionnels y exercent leur activité…  Par ailleurs, si les lacs forment seulement 1% de la surface de la terre, ils renferment 10 % de la biodiversité animale. Il y a donc là de vrais enjeux en termes de gestion de la ressource et de protection de la biodiversité.

Depuis plusieurs décennies, nous recueillons des données qui sont mises dans un Système d’Information ouvert dans le cadre de l’Observatoire des LAcs en particulier sur le Léman et les lacs d’Aiguebelette, Bourget, Annecy, mais aussi des lacs du Jura, Bugey…

Cet outil fournit des données aux scientifiques afin de comprendre et de modéliser l’évolution des lacs, leur état, mais aussi leurs trajectoires et fonctions écologiques, soumis simultanément aux pressions de l’activité humaine et aux évolutions du climat.

Ces recherches nous permettent d’alerter les gestionnaires, les pouvoirs publics et les pêcheurs sur les évolutions constatées et leurs effets : le développement d’espèces invasives comme, récemment, les moules quagga, le silure ; les blooms d’algues et leurs conséquences sur la qualité de l’eau ; les conséquences sur les populations de poissons comme le décalage dans la période de reproduction du lavaret (corégone) ou de la perche dans le Léman dû au réchauffement des eaux.

On observe par exemple une élévation de la température moyenne de l’eau d’environ 1,5 °C dans les couches de surface depuis 30 ans et nos travaux de modélisation, basés sur les scénarios du GIEC, prédisent une augmentation de plus de 3° degrés dans les 70 prochaines années…

Nous allons par ailleurs prochainement étudier l’impact des micro-plastiques, plus précisément ceux issus de la dégradation des pneus arrivés dans le lac par les eaux de ruissellement, sur l’omble chevalier, espèce patrimoniale de nos lacs !

Nos travaux permettent aussi de tracer des prospectives, de répondre aux sollicitations. OLA reçoit en moyenne plus de 300 demandes par an du monde entier pour fournir des données.

Globalement, nous constatons toutefois que les grands lacs de la région sont en bien meilleur santé aujourd’hui que dans les années 80 grâce à la mobilisation politique et citoyenne qui a permis de restaurer ces écosystèmes emblématiques de notre territoire Savoie Mont Blanc.

Le CARRTEL exerce cette surveillance depuis 1973 à l’aide d’un bateau basé dans le port du laboratoire à Thonon, qui, après 50 ans de bons et loyaux services, doit trouver un successeur…

Même si nous l’utilisons toujours, nous devons effectivement le renouveler pour poursuivre nos travaux et passer un cap. En effet, nous souhaitons déployer de nouveaux outils, pouvoir organiser à bord des campagnes plus longues et sur des échelles spatiales plus large.

Qu’est ce qui va caractériser cette nouvelle embarcation ?

Nous voulons nous orienter vers un bateau bas carbone à propulsion électrique, rechargeable avec des panneaux solaires. Il disposera d’un carré, de coins cuisine et repos, de toilettes, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent dans notre embarcation ! Deux laboratoires, dont une salle dite “humide” de pré-traitement des échantillons, seront également aménagés. En pouvant prétraiter les échantillons à bord nous gagnerons en temps et en qualité !

Nous espérons lancer l’appel d’offres courant octobre pour un retour des constructeurs début 2023 et une livraison au printemps 2024 moyennant un investissement de plus de 500 000 euros.

Quid de son financement ?

Nous avons d’ores et déjà réuni environ 75 % de la somme grâce aux participations d’INRAE, du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, des ressources propres du laboratoire…  

Notons aussi le soutien à notre action sur la préservation des systèmes lacustres du Centre d’Ingénierie Hydraulique EDF, partenaire depuis de nombreuses années du CARRTEL. L’UMR EDYTEM (1) apporte aussi symboliquement son aide. D’autres partenaires sont évidemment aussi sollicités.

La Fondation USMB va à présent nous accompagner dans notre recherche de mécènes pour boucler ce budget. Au-delà de la défiscalisation de leur investissement, nous leur proposons une réelle visibilité sur nos outils de communication, sur le bateau… Un plus en termes d’image de marque.

Pour finir, comment définiriez-vous la recherche ?

La recherche permet de mieux comprendre le milieu qui nous entoure. C’est un continuum, un ensemble de connaissances qui font que la société progresse.

Episode BARCA dans l’émission plus vertes mes Savoie de France Bleu :

https://www.francebleu.fr/emissions/plus-vertes-mes-savoie/pays-de-savoie/un-nouveau-bateau-de-recherche-sur-nos-lacs-soutenu-par-l-universite-savoie-mont-blanc-0

(1) Edytem (Environnements DYnamiques et TErritoires de la Montagne) est une unité mixte de recherche de l’Université Savoie Mont Blanc et du CNRS


 

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« LIBM – biologie de la motricité »

Aujourd’hui, Frédérique Hintzy évoque les très nombreux champs d’intervention du LIBM, Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité.

Frédérique HINTZY

Directrice du LIBM, Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité Site de Savoie.

Pouvez-vous tout d’abord nous présenter le LIBM, Laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité ?

 

Le LIBM regroupe trois sites universitaires régionaux : Jean Monnet à Saint-Etienne, Claude Bernard à Lyon et l’USMB à Chambéry. Il compte 120 enseignants-chercheurs, médecins praticiens hospitaliers, ingénieurs, doctorants… dont 60 titulaires, répartis en six équipes scientifiques. L’USMB représente 19 % de ce total.

Nos travaux portent sur la Motricité Humaine, du micro, en analysant une Cellule, au macro-scopique, en étudiant un mouvement global dans son environnement comme un cycliste lors de la montée d’un col. Le but est de comprendre le fonctionnement du corps humain dans son interaction avec l’environnement. Nous ne sommes pas axés sur une population particulière, mais sur l’Homme en Mouvement de manière très large. Nos travaux portent aussi bien sur les activités sportives et physiques, que sur la performance sportive ou le sport santé, avec à chaque fois plusieurs approches prises en compte : physiologie, biomécanique, neurosciences. C’est notre originalité. Nous collaborons d’ailleurs localement avec différents laboratoires comme le Listic, Laboratoire d’Informatique, Systèmes, Traitement de l’Information et de la Connaissance ; le Symme, SYstème et Matériaux pour la Mécatronique ; le LIP, laboratoire inter-universitaire de psychologie…

Nos recherches sont donc “multi-échelles” sur les aspects biologiques de la motricité, avec des développements industriels et cliniques. 

 

Des exemples ?

Côté Savoie, nos travaux ont un lien fort avec les thématiques de l’USMB que sont la prévention, la santé, la qualité de vie et la montagne.

Dans le domaine de la performance et de la prévention des blessures, nous travaillons par exemple sur les propriétés mécaniques musculaires lors d’activités d’endurance comme le cyclisme, l’aviron ou le ski nordique, les stratégies motrices en milieu montagnard suivant le relief et le dénivelé, ses réactions à l’instabilité du terrain en trail, VTT et ski alpin…

Dans celui de la santé, nous cherchons aussi à comprendre les processus de fatigue chronique ou liée à l’activité physique ; les mécanismes de la fonte ou de l’optimisation musculaire… Cette question de fatigue chronique est primordiale pour la santé des personnes souffrants de maladies comme les Covid longs, les cancers.

 

Le LIBM a une forte activité contractuelle, de l’ordre de plus de deux millions d’euros par an en moyenne dont quelque 500 000 euros réalisés par le site savoyard. Des cas concrets ?

 

Nous avons effectivement une grande diversité de partenaires publics et privés et une forte reconnaissance scientifique de nos travaux.

En Savoie, nous travaillons beaucoup sur le ski alpin. Nous avons par exemple développé en 2017 un capteur 3D, avec Salomon et la Fédération Française de Ski. Fixé à l’avant et à l’arrière de la chaussure du skieur, il mesure en temps réel les forces de friction et de réaction ski neige, sans dénaturer le mouvement. Il permet de mieux comprendre les mécanismes d’appui lors des virages, ce qui ouvre des applications concrètes, comme aider au développement de skis alpins plus performants et sécurisés, conseiller les athlètes et les staffs sur leurs techniques en course et leurs entrainements…

Nous revisitons aussi actuellement les normes de serrage des fixations des skis pour limiter les pathologies du genou, et recherchons des financements de thèse sur ce projet. Comment améliorer l’apprentissage du ski est aussi une question à laquelle nous tentons d’apporter une réponse.

Nous avons également des collaborations avec l’équipe d’AG2R et la Fédération française de cyclisme pour mieux caractériser les qualités musculaires individuelles des coureurs. Nous transmettons des informations scientifiques innovantes, fiables et précises aux entraîneurs qui, ensuite, décident de leur intégration dans les entraînements. Nous avons même été sollicités pour une expertise juridique sur un équipement à la suite d’un accident de vélo.

 

Vous êtes également très présent sur le segment santé…

 

Nous avons en cours un projet “Santé, thérapie et entraînement par l’hypoxie”. L’idée étant de comprendre l’intérêt d’un exercice en hypoxie, pour le sportif de haut niveau comme dans le cadre d’une pratique thérapeutique. Nous avons actuellement deux thèses en cours sur cette question et un partenariat fort avec d’autres Universités étrangères comme Lausanne (Suisse), Brighton (Angleterre) et Ljubjana (Slovénie). Cette question intéresse les stations savoyardes qui souhaitent promouvoir les bienfaits d’une pratique en altitude…  On a la chance de surfer sur les mots clés bien être et montagne.

Je pourrais aussi citer nos travaux sur les troubles musculosquelettiques, l’intérêt de l’exosquelette dans les métiers d’aides à la personne, sur la myopathie… Ou encore le développement, par un de nos collègues, d’un masque permettant de réduire le mal aigu des montagnes.  

 

Le LIBM participe également à Science 24, ce programme de recherche collectif dédié à l’accompagnement des athlètes français dans leur quête de titres aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.  Quel est votre rôle ?

 

Nous sommes impliqués dans trois projets ANR (Agence nationale de la recherche) Sport de Très Haute Performance. Sur Chambéry, nous travaillons surtout avec la Fédération Française d’aviron. Tous les athlètes passent une série de tests physiologiques et musculaires, et nous serons ensuite force de propositions pour optimiser par exemple leurs entraînements, la composition et l’harmonisation des bateaux, la synchronicité des rameurs…

 

 

Votre laboratoire s’investit aussi dans la formation…

 

Tout à fait. Nous sommes laboratoire support du master Ingénierie et Ergonomie de l’Activité Physique (IEAP) de l’USMB qui compte 120 étudiants (60 en master 1 et 60 en master 2), et qui forme des ingénieurs en recherche, développement et évaluation des équipements sport loisir santé. Nous nous impliquons dans cette formation à la recherche par la recherche. Les étudiants sont des “mini-nous”.

 

Et pour conclure, quelle est votre définition de la recherche ?

 

La recherche fondamentale comme la recherche appliquée sont toutes deux essentielles, ce sont deux étages aussi importants l’un que l’autre. J’aime comprendre les phénomènes du corps humain, physique et mécanique, travailler cette curiosité purement scientifique. Et me dire qu’ensuite ces travaux peuvent permettre de faire bouger les lignes pour tous, du débutant en ski fière de sa 1ère étoile au champion nous ramenant une médaille d’or aux JO.

 

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« Un LAPP ouvert sur son territoire »

Travailler dans un esprit d’équipe, y compris sur le territoire haut-savoyard. Une volonté pour le Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (LAPP) LAPP. Les explications de son directeur Giovanni Lamanna

Giovanni Lamanna, physicien, directeur de recherche au CNRS, directeur du Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (LAPP) – Annecy-le-Vieux.

Vos recherches sont d’envergure planétaire et pour autant, vous êtes très soucieux d’ouvrir le LAPP sur le territoire haut-savoyard et sur la société civile. De quelle manière ?

Nous avons ici une situation géographique territoriale spécifique, qui nous a permis de tisser des partenariats forts avec les collectivités, les élus, les acteurs socio-économiques, l’USMB, son Club des entreprises et sa Fondation qui jouent un rôle d’intermédiaire important avec l’écosystème des PME et des industries locales. On a un fort attachement à ce territoire. C’est là que nous vivons. Et nous avons envie de travailler dans un esprit d’équipe, de développer des liens entre société et sciences.

Lors des 40 ans du LAPP, en 2016, nous avons accueilli plus de 2 300 visiteurs pendant la semaine de la fête de la science. Il y a un vrai intérêt de nos concitoyens pour nos travaux. Nous avons donc décidé de créer en 2019, dans nos locaux, l’espace découvertes multimédia Eutopia pour présenter, sur demande, aux scolaires et au grand public, le quotidien des chercheurs du LAPP, “des particules au cosmos”. Nous organisons aussi des portes ouvertes, intervenons dans les écoles…

Vous souhaitez de même impliquer les citoyens dans la recherche…

Je porte un projet de la Commission européenne, ESCAPE, sur les développements numériques et les méthodes d’Intelligence Artificielle, sur la maîtrise des données ouvertes, leur accessibilité, interopérabilité et réutilisations dans le cadre de nos disciplines de recherche. Cela va nous permettre d’avancer, à titre d’exemple, dans le saisie de la nature de la matière noire par la combinaison de données de diverses origines expérimentales. L’objectif est de mettre en commun les données de toutes les expériences. Une fois celles-ci réunies et accessibles, on envisage d’autres applications, des masterclass universitaires, des formations pour les lycées… pour permettre à nos concitoyens de prendre part à de véritables recherches de pointe et avoir l’occasion de contribuer à de véritables découvertes.

On parle beaucoup des smartcity. Apporter du service dans ce cadre doit passer par une collaboration avec les citoyens en leur fournissant des outils numériques ainsi que des données, pour leur usage. Smart City et Citizen Science peuvent se combiner. On peut créer par exemple des mini stations simples électroniques et informatiques pour leur permettre de monitorer la qualité de l’air ou la radioactivité environnementale. Leur apprendre à s’approprier de la science des données pour en déduire des informations importantes pour leur quotidien. On apporte des idées, des compétences, on s’assoit ensemble autour d’une table pour échanger sur les résultats et alimenter le débat public sur des questions de société durable …

Des actions envers le grand public donc, mais aussi les entreprises, voire des collectivités ?

Le LAPP héberge la plateforme MUST, méso centre de calcul et de stockage mutualisé entre le CNRS et l’Université Savoie Mont Blanc (USMB). Il vient en appui du LHC, le grand collisionneur de hadrons du CERN et permet aussi aux chercheurs de l’USMB de gérer, à grande échelle, leurs besoins en calcul et en stockage de données.

Nous avons décidé, l’an dernier, de créer un service d’aide à la transition numérique pour les industriels, en particulier pour les aider à faire face aux défis actuels de type intelligence artificielle et BigData. Nous ouvrons notamment aussi nos formations de très haut niveau aux ingénieurs des entreprises.  Ce projet, baptisé IDEFICS (Informatique, données et entreprise pour la formation et l’innovation en calcul scientifique et pour la société) est à ce jour unique en France.

Il s’agit encore une fois d’une initiative que j’ai conçue personnellement de combinaison entre science et société, ainsi que la naturelle conséquence de l’ouverture du LAPP, de ses infrastructures et du savoir-faire de ses agents vers notre territoire. Encore une fois emblématique de l’esprit de partenariat qui nous anime en Haute Savoie. C’est dans ce sens que, lors de l’incendie de la mairie d’Annecy en novembre 2019, nous sommes intervenus en soutien aux équipes informatiques, pour les aider à récupérer les données perdues et remettre en état de fonctionnement les ordinateurs de l’administration de la commune. Les coopérations peuvent avoir différents volets.

Et pour finir, quelle définition donneriez-vous à la recherche ?

La recherche, publique et privée, est là pour faire avancer la connaissance pour l’être humain et pour la société. Il faut aider nos concitoyens à s’en approcher. Notre manière de travailler, nos collaborations internationales sont par ailleurs un modèle diplomatique de coopération multiculturelle où chacun, chaque pays trouve sa place. Même dans le cadre de nos laboratoires, on fait tout pour donner une charte de valeurs et de conduite dans le respect des uns et des autres. La science et la recherche scientifique sont appelées à participer pour donner le cap pour une société durable. Cela passe forcément par l’affirmation de valeurs, des responsabilités civiques et par l’engagement pour la société et de la société.

 

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Laboratoire SYMME : la mécatronique est son terrain de recherche

Souvent sollicité pour la qualité de ses expertises par les entreprises, le laboratoire SYMME (SYstèmes et Matériaux pour la Mécatronique) abrite un très grand nombre de spécialités. Il est notamment connu et reconnu pour ses innovations dans le milieu de la santé et de l’industrie. Rencontre avec Georges Habchi, son directeur

 

Georges Habchi, Directeur du laboratoire SYMME, Systèmes et Matériaux Mécatronique USMB

Pouvez-vous nous présenter tout d’abord le laboratoire SYMME, que vous dirigez depuis 2018 ?

 

SYMME est un laboratoire 100 % universitaire, né en 2006 de la fusion de deux laboratoires de l’USMB (mécanique et matériaux) et d’une équipe de contrôle des systèmes. Il est implanté sur deux sites ; dans la Maison de la Mécatronique à Annecy-le-Vieux et à Polytech’ Annecy-Chambéry au Bourget du Lac. Il compte 47 permanents (professeurs et maîtres de conférences). S’ajoutent six membres associés professeurs agrégés ou industriels, 28 doctorants et une trentaine de stagiaires entre février et fin août.

Quelles sont ses missions ?

 

Nos recherches visent à produire collectivement de la connaissance pour la mécatronique au bénéfice direct d’une société durable. Nous sommes organisés pour avoir une vue d’ensemble sur la valeur ajoutée du produit et envisager l’optimisation globale de sa chaîne de valeur. Pour cela, nous devons répondre à deux défis interdépendants : intégration des technologies et innovation organisationnelle. Nos activités sont en grande partie tournées vers l’innovation industrielle et vers l’innovation des technologies pour la santé.

Nous développons notamment des matériaux spécifiques (électro-actifs, instrumentation pour la récupération d’énergie…). Nous nous attachons également à l’innovation dans le domaine de la conception et de la qualité des systèmes (qualité sensorielle, optimisation multicritères, démarches de progrès…), de la mise au point de procédés de fabrication (pilotage de moyens de production) et de métrologie (sensorielle et dynamique). En termes de valorisation, SYMME dépose un nombre important de brevets chaque année (14 brevets déposés entre 2014 et 2018 et 9 pour l’année 2019).

Des exemples concrets ?

Les technologies pour la santé tout d’abord sont vraiment un secteur important pour le laboratoire. Dans le domaine de la micro-énergie, nous recherchons par exemple la façon de récupérer l’énergie vibratoire mécanique, de manière naturelle à partir du mouvement, pour la transformer en énergie électrique et recharger les capteurs destinés au corps humain. Nous travaillons ainsi avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) sur des micro-systèmes qui permettent de charger à nouveau une pile d’une prothèse auditive…  Une de nos équipes étudie aussi les nanoparticules, à l’échelle de la molécule, afin d’améliorer la détection de cancers de manière précoce. Nous menons également un programme de coopération territoriale européenne Interreg avec la Suisse pour analyser la matière et la manière d’associer, en cas de fracture, les matériaux existants avec l’os, le type de vis à choisir…

Dans le domaine de l’instrumentation pour le médical, nous développons par ailleurs actuellement un système équipé de détecteurs pour épauler le chirurgien dans ses interventions, afin qu’il puisse piloter avec une très grande précision les instruments.     

L’industrie est également un pôle important pour vous…

Effectivement. Nous menons de nombreux travaux couplant produits et procédés pour faciliter la déclinaison en entreprise. En collaboration avec l’Ines (Institut national de l’énergie solaire) au Bourget du Lac, une de nos doctorantes a travaillé sur l’adaptation de panneaux photovoltaïques (courbures, captation, durée de vie…) à une voiture roulant au solaire. Nous avons d’ores et déjà déposé deux brevets sur ce projet.

Dans le domaine de l’inspection produit, nous avons notamment développé TheEye, un capteur prédictif de la qualité finale, bourré de caméras, actuellement en développement prototype avant sa commercialisation.

Nous menons de nombreuses recherches aussi sur la maturité des démarches de progrès et d’optimisation des processus. Nous avons travaillé sur la pérennisation des démarches de progrès dans les entreprises. Plus de 80 d’entre elles ont été sondées et analysées à l’aide d’une vingtaine de paramètres liés à l’individu et aux groupes puis un modèle a été élaboré pour situer les entreprises dans un référentiel. Ce dernier permet ensuite à l’entreprise d’ajuster les curseurs pour positionner et optimiser une équipe, une démarche et choisir les paramètres sur lesquels il faut agir.

En février, un de nos doctorants a par ailleurs présenté une thèse sur les compétences dans le domaine de l’innovation.  L’idée était de voir comment les tracer, les vérifier et les valider via des paramètres et indicateurs pour permettre aux dirigeants de procéder à des recrutements d’une autre manière qu’en se basant sur un CV. Pour ce faire, quatre expériences ont été menées concrètement avec des étudiants et une entreprise.

Et nous avons bien sûr des projets sur tout ce qui est matériaux composites intelligents et menons des travaux sur la manière d’intégrer dès le départ des systèmes intelligents multifonctions.

Je pourrais également citer les différents logiciels développés au laboratoire pour le traitement d’images, la modélisation et la simulation des flux de production,  la modélisation de la fiabilité, … qui sont largement utilisés en établissements universitaires et laboratoires et en entreprises. SYMME est très bien placé en termes de résultats. Nous sommes d’ailleurs très sollicités par les entreprises pour notre expertise dans les domaines des matériaux, de la mécanique, électronique… Nous sommes le laboratoire de l’USMB à avoir le plus de spécialités. Nous réalisons l’équivalent de 100 000 euros chaque année en expertise et partenariat industriel (sur un budget de 1 M€). Et nous sommes très terrain, nous aimons aller jusqu’au bout des choses. Nous disposons pour cela d’équipements de haute technologie. Depuis 2018, nous avons investi 2,5 millions d’euros dans le cadre d’un projet Contrat Plan État Région pour acquérir tomographe à rayons X, machine laser, machine de fabrication 3D, robots humanoïdes…

En un mot pour finir, quelle est votre définition de la recherche ?

La recherche c’est, pour moi, l’exploration permanente de l’inconnu.

C’est rendre tangible des éléments que l’on ne connait pas et les mettre à disposition de l’être humain pour lui simplifier la vie.

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lE LAPP : TOUJOURS AU CENTRE DES GRANDES DÉCOUVERTES

Alors que 2022 est l’année internationale des
sciences fondamentales au service de la société durable, Giovanni Lamanna nous
ouvre les coulisses du Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (LAPP).


Giovanni Lamanna, physicien, directeur de recherche au CNRS, directeur du Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (LAPP) – Annecy-le-Vieux.

Présentez-nous tout d’abord le laboratoire d’Annecy de physique des particules, LAPP, que vous dirigez…

 

Le LAPP est un laboratoire de physique expérimentale de renommée internationale, impliqué dans la recherche fondamentale autour des constituants fondamentaux de la matière et du questionnement sur les lois de l’univers, son origine et son évolution. Ces investigations nécessitent la construction et la mise en œuvre de très grands instruments de recherche comme les accélérateurs de particules pour sonder l’infiniment petit ainsi que d’instruments gigantesques pour observer les rayons cosmiques et les structures infiniment grandes du cosmos… dans le but de repousser toujours plus loin les frontières de la connaissance.

C’est un laboratoire du CNRS et de l’USMB de proximité avec le CERN qui compte 150 agents, physiciens chercheurs et enseignants chercheurs, thésards, étudiants, ingénieurs, techniciens, personnel administratif. Ces derniers travaillent dans les filières informatique, mécanique, électronique, dans la combinaison de ces différents métiers ainsi que dans les finances et la communication

 

Depuis Annecy-le-Vieux, vous travaillez au niveau planétaire dans cette big sciences. Comment ?

On œuvre dans la big sciences à l’échelle mondiale car les défis, les questionnements et les technologies de rupture nécessaires sont d’une telle ampleur et d’une telle complexité qu’ils nécessitent des collaborations internationales et multiculturelles. La plupart de nos installations nécessitent des solutions technologiques n’existant pas ou innovantes. Ces installations mobilisent d’importants moyens et s’inscrivent le plus souvent dans des projets transnationaux de dimension européenne ou internationale.

 On travaille comme un orchestre : chaque individu ou pays apporte des contributions en fonction de ses moyens. Le retour des résultats scientifiques pleinement partagé et ouvert à tous, quelle que soit la taille du pays. C’est l’humanité qui agit.

 

Le LAPP est toujours au centre de découvertes majeures. Il a ainsi été impliqué dans deux Prix Nobel de Physique au cours de ces dix dernières années. Lesquels ?

Le LAPP a été fortement impliqué ou a contribué en première ligne à une série de découvertes majeures tout au long de ses 46 ans de vie. Plus récemment, il y a dix ans, dans la découverte du Boson de Higgs au LHC (le grand collisionneur de hadrons) du CERN à Genève. Nous avons participé à la mise au point du détecteur Atlas et à l’analyse des données qui ont mis en évidence ce Boson de Higgs. Cette découverte a valu le Prix Nobel 2013 de physique, attribué à François Englert et Peter Higgs pour leurs travaux sur le mécanisme qui donne leur masse aux particules.

 

Tout récemment, le laboratoire a été partie prenante de la découverte des ondes gravitationnelles par la collaboration LIGO-Virgo, deux observatoires géants qui leur sont dédiés aux États-Unis pour le premier et en Italie pour le second. Une découverte également couronné d’un Prix Nobel en 2017. Le LAPP est un acteur essentiel de la collaboration internationale Virgo depuis presque trois décennies.

 

Sur quels autres projets d’envergure travaillez-vous ?

Nous contribuons à la construction de plusieurs télescopes géants pour sonder le cosmos, des observatoires de nouvelles générations comme CTA (en français réseau de télescopes Tcherenkov) déployé sur deux sites, sur l’île de Palma, aux Canaries et au Chili. Ou encore, toujours au Chili, l’observatoire LSST-Vera Rubin, grand télescope d’étude synoptique, qui abrite la plus grande caméra numérique de la planète.

Dans CTA, les structures mécaniques de ses grands télescopes sont une de nos contributions majeures. Nous avons pour cela travaillé aussi avec une entreprise bretonne spécialisée dans la fabrication de mâts de bateau de course en fibre de carbone pour rendre la plus légère possible la structure arche du télescope porteuse de sa caméra. Les défis deviennent tellement complexes que les ateliers du laboratoire ne suffisent pas toujours ! Dans ce cas, nous avons combiné la vision des ingénieurs avec un savoir-faire artisanal de ces prestigieuses entreprises françaises.

Nous travaillons aussi dans l’étude des neutrinos, des particules élémentaires difficile à détecter. Ils interagissent peu avec la matière et traversent la Terre par milliards à chaque seconde dans le rayonnement cosmique qui inonde l’atmosphère, la plupart du temps sans laisser de trace. Le rôle du neutrino pourrait être crucial pour comprendre l’origine de l’asymétrie matière-antimatière dans l’univers. Nous développons actuellement le prototype d’un énorme détecteur destiné à l’étudier. Il s’agit d’une expérience sur faisceau de nouvelle génération appelée DUNE et installée aux USA.

 

La Haute-Savoie pourrait également accueillir, d’ici 2040, le futur collisionneur circulaire destiné à remplacer le LHC, le plus grand accélérateur de particules au monde basé au CERN. Qu’en est-il ?

C’est un projet sur lequel nous travaillons. Une étude de faisabilité est en cours, développant la conception de la prochaine génération de collisionneurs de particules haute performance, qui prendra la suite du LHC.

Le FCC, Futur Collisionneur Circulaire, consisterait en un anneau de 100 km (au lieu de 27, creusés à une centaine de mètres de profondeur, pour le LHC). Il serait construit à 75 % sur le territoire français et arriverait aux portes du Grand Annecy en partant du Léman.  L’intérêt ? Apporter une puissance qui n’existe pas jusqu’alors pour sonder la matière avec des énergies beaucoup plus élevées qu’actuellement et dépasser la connaissance. Un futur collisionneur circulaire pourrait ouvrir une fenêtre sur les 95 % de l’Univers qui nous sont inconnus. Quelle est la nature de la matière noire ? Existe-t-il des particules supersymétriques ? L’étude FCC est une collaboration internationale réunissant de nombreux instituts du monde entier toujours en quête de nouvelles technologies.

 

Quelles nouvelles applications technologiques apportera concrètement le FCC ?

Difficile à dire aujourd’hui. On ne sait pas au départ sur quelles applications vont déboucher nos recherches fondamentales et nos développements. On ne savait pas par exemple que l’introduction de la physique quantique il y a presqu’un siècle allait permettre la création des circuits de semi-conducteurs qui équipent aujourd’hui nos smartphones ou que la technologie du collisionneur des faisceaux de protons allait servir au traitement de cancers ou à l’imagerie médicale. Sans oublier Internet, qui a été introduit au départ au CERN simplement pour partager les processus d’analyses des données au sein des larges collaborations internationales !  Sachant que tous nos développements technologiques sont introduits dans un contexte public et restent publics. Ils viennent enrichir la société et la connaissance.

Mais les retombées potentielles sur le territoire du FCC pourraient être majeures avec l’arrivée de nouveaux chercheurs, la création de technopoles, d’établissements internationaux… Plus généralement, le FFC pourrait générer des apports sociaux et économiques propres aux grandes infrastructures de recherche et contribuer à dessiner la société du futur.

Dans un autre domaine, la chaleur du FCC pourra être recyclée pour le chauffage de bâtiments. 

 

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lE CARRTEL : PARFAIRE LA CONNAISSANCE DES LACS

Suivi de la qualité des eaux des grands lacs de Savoie Mont Blanc, travaux de recherche sur leur adaptation au réchauffement climatique, leur bilan carbone, leurs ressources en poissons, développement d’outils ADN pour détecter efficacement les micro-organismes, étude des lacs proglaciaires… Les missions du Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques des Écosystèmes Limniques, basé à Savoie Technolac, sont riches et variées. Tour d’horizon avec son directeur adjoint Jean-Christophe Clément.

Professeur d’écologie à
l’Université Savoie Mont Blanc
(USMB)
Directeur adjoint du
laboratoire CARRTEL,
Centre Alpin de Recherche sur
les Réseaux Trophiques des
Écosystèmes Limniques (UMR
INRAE/USMB).

Pouvez-vous nous présenter tout d’abord le CARRTEL, Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques des Écosystèmes Limniques ?

Basé à Thonon-les-Bains et Savoie Technolac, le CARRTEL est un laboratoire de recherche de l’Institut National de Recherche en Agriculture, Alimentation et Environnement (INRAE) et de l’Université Savoie Mont Blanc (USMB). Il compte environ une quinzaine d’enseignants-chercheurs et chercheurs et une quinzaine de personnel technique.  Il travaille principalement sur l’écologie aquatique et les écosystèmes lacustres. Il assure une mission spécifique sur les quatre lacs situés en Savoie Mont Blanc, à savoir : suivi de la qualité des eaux au niveau chimie et biologie, travaux de recherche pour comprendre leur fonctionnement et leur adaptation aux changements climatiques ou aux pratiques touristiques, aux aménagements… Et ce, en collaboration avec leurs gestionnaires, mais aussi les Conservatoire des espaces naturels de Savoie et de Haute-Savoie et le monde socio-économique comme les pêcheurs. Le CARRTEL travaille aussi sur les lacs alpins, moins soumis à la pression d’activités humaines.

Des exemples concrets d’application ?

Les applications sont nombreuses. 

Dans les années 70/80, les suivis scientifiques ont par exemple permis de poser le diagnostic sur l’eutrophisation des lacs d’Annecy et du Bourget liée aux eaux usées. Ils ont notamment débouché sur la mise en place du tout à l’égout qui enserre désormais le lac d’Annecy et qui est redirigé, en aval, vers une station d’épuration. La qualité des eaux de ces lacs s’est depuis nettement améliorée.

Nous travaillons aussi sur les bords de lac, et essayons de comprendre à quel point les roselières participent au fonctionnement lacustre, mesurons l’efficacité de leur restauration…

Au sein du laboratoire, une doctorante a également réalisé sa thèse sur le silure, en collaboration avec la filière pêche, pour évaluer l’impact, finalement limité à ce jour, de cet énorme poisson exotique, sur le réseau trophique. 

Et un jeune collègue chercheur a décroché un financement de l’ANR, Agence Nationale de la recherche, pour travailler sur le bilan carbone de nombreux lacs dans le Monde. Ces derniers sont des écosystèmes en capacité d’emmagasiner d’énormes quantités de carbone. Comment est-il stocké ? Dans quelle mesure les lacs, souvent négligés dans les budgets globaux du carbone, sont-ils réducteurs ou accélérateurs du réchauffement climatique ?  Les travaux vont tenter de reconstituer cette dynamique de stockage à partir de prélèvements de carottes sédimentaires et d’outils de modélisation.

Nous travaillons par ailleurs déjà avec EDF et le centre d’ingénierie hydraulique sur le bilan carbone des lacs de barrage.

Votre laboratoire est par ailleurs en pointe sur le développement des outils ADN, mais aussi d’une méthode nationale pour la compensation des zones humides…

 

Tout à fait. Nous développons et validons des outils ADN environnemental innovants qui permettent de détecter de manière plus efficace et plus rapide par exemple des micro-organismes, comme les diatomées, qui sont des indicateurs de la qualité des eaux. Cela permet de faire évoluer les méthodes et critères de suivis de la Directive Cadre sur l’Eau.
Nous menons également des travaux en lien avec l’Office Français de la Biodiversité. Nous avons mis au point un outil national d’évaluation des fonctions des zones humides en 2016. Cette méthode permet de vérifier, de manière simple, que les principes de compensation sont bien respectés lors d’un aménagement impactant ces milieux. Une version 2 est actuellement en cours d’élaboration, mais aussi de nouveaux outils pour mieux évaluer les fonctions biogéochimiques.

Les travaux du CARRTEL portent également sur les lacs proglaciaires à travers le projet Ice & Life que la Fondation pourrait soutenir…

 

Effectivement. Le projet Ice & Life, lancé en 2021 par le glaciologue haut-savoyard Jean-Baptiste Bosson, ambitionne de développer une connaissance interdisciplinaire, et un cadre de protection et de gestion inédit, sur les glaciers et les secteurs désenglacés dans le monde.

Le retrait des glaciers alpins laisse place à de nouveaux lacs d’eau douce, des lacs proglaciaires. Nous souhaitons évaluer et suivre l’évolution des écosystèmes. Il n’y a pas vraiment de cadre autour de ces nouveaux territoires et les enjeux de protection sont énormes.

Ce projet est d’ores et déjà adossé à de nombreux de partenaires du secteur privé et soutenue par la Fondation de l’alpiniste et traileur espagnol Kilian Jornet.  

Pour finir, quelle est votre définition de la recherche ?

Essayer de résoudre des questions complexes avec des outils innovants et pertinents pour apporter une réponse la plus proche possible de la réalité.

Et, selon vous, l’apport de la recherche sur le monde de l’entreprise et la société ?

En France, nous avons un problème de séparation entre recherche fondamentale et recherche appliquée, ce qui n’est pas le cas dans le reste du monde. Notamment aux États-Unis où les chercheurs sont souvent aussi des dirigeants d’entreprise.

La recherche peut produire des connaissances pour développer de nouveaux process ou concepts… pour les entreprises.

Nous avons, au niveau du CARRTEL, des collaborations ponctuelles avec des entreprises et/ou des start-up comme Spygen, laboratoire spécialisé dans l’inventaire de la biodiversité aquatique et terrestre au Bourget-du-Lac, 

sur les outils d’ADN environnemental ou CT2MC, société d’ingénierie spécialisée dans le développement de produits d’innovation, avec qui nous avons conçu un drone nautique équipé d’un programme de navigation et de sondes, qui permet par exemple de définir une carte de la distribution des bancs de poissons dans un lac.

 

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ÉCONOMIE CIRCULAIRE : LA MONTÉE EN PUISSANCE

Ce système économique d’échange et de production qui, à tous les
stades du cycle de vie des produits ou des services, vise à augmenter
l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement, gagne du terrain en France. L’Université Savoie Mont Blanc comme sa Fondation en ont fait un axe prioritaire. Les explications de
Grégory Chatel.

Chercheur au laboratoire
Edytem (Environnements,
Dynamiques et Territoires de
Montagnes), USMB (Université Savoie Mont Blanc) /CNRS). Co-dirige l’équipe MATIERES qui étudie la transformation de
la matière d’intérêt économique et/ou sociétale.

Un mot d’abord sur l’économie circulaire. Comment la définissez-vous ?

Il existe des centaines de définitions dans la littérature. L’économie circulaire vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire qui consiste principalement à extraire, produire, consommer et jeter.
Je repars souvent de la définition de l’ADEME, Agence de la transition écologique : «L’économie circulaire peut se définir comme un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus ». Elle ne se limite donc pas à la gestion des déchets et au recyclage comme on le pense souvent.

Où en est-on aujourd’hui ?

La loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et ses décrets d’application qui ont commencé à être publiés en 2021, a un effet “booster” en France. Elle vise, via 130 articles,
à transformer notre système en profondeur et se décline en cinq grands axes : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et mieux produire.
Au niveau européen, il existe aussi un plan d’action en faveur de l’économie circulaire depuis mars 2020. La crise sanitaire a par ailleurs redistribué les cartes en matière de consommation, en termes de promotion des circuits courts notamment.

Des particularités en Savoie Mont Blanc ?

Nous sommes sur un territoire assez actif dans ces domaines. Les Pays de Savoie comptent beaucoup d’entreprises spécialisées dans l’économie sociale et solidaire notamment. Grand Chambéry, Grand Lac, Grand Annecy et la communauté de communes de Rumilly ont par ailleurs participé à l’opération “zéro déchet, zéro gaspillage” destinée à s’engager sur la réduction du gaspillage, la prévention et la valorisation des déchets. De cette initiative est née le salon SoluCir, Solutions pour mieux produire, consommer, recycler dont la deuxième édition est programmée les 17 et 18 Mai à l’espace Rencontres, à Annecy-le-Vieux (lire ci-dessous).

Vous êtes chimiste. Quel est votre rôle dans cette boucle de l’économie circulaire ?

L’économie circulaire est très pluridisciplinaire et demande une approche très transversale. Je travaille pour ma part sur la chimie verte qui a pour but de concevoir des produits et des procédés chimiques permettant de réduire voire d’éliminer l’utilisation et la synthèse de substances dangereuses.
J’ai fait ma thèse dans ce domaine. Mon objectif était de revisiter des réactions chimiques existantes avec des procédés d’activation innovants.
La chimie a une connotation souvent négative dans l’esprit des gens, or elle compose l’intégralité de tout ce qui nous entoure. Il est important de changer l’image et d’aller vers des procédés plus vertueux.
Il existe par exemple des procédés en chimie verte qui deviennent compétitifs quand le baril de pétrole brut dépasse un certain seuil.
Les lignes bougent aussi sous l’impulsion des consommateurs qui souhaitent des productions plus locales. Je pense notamment aux produits cosmétiques.

Pouvez-vous nous donner des exemples de travaux au sein de votre laboratoire ?

Nous avons par exemple travaillé sur la valorisation de la Renouée du Japon, une plante envahissante présente sur les bords des lacs du Bourget et du Léman. Nous avons identifié un marché de valorisation de ses rhizomes via un procédé basé sur les ultrasons et l’extraction de molécules aux propriétés anti-âges ou qui peuvent intégrer la fabrication de compléments alimentaires. Une start-up développe actuellement une filière de récupération et, aujourd’hui, la démarche conduit à déclencher des chantiers d’arrachage. Nous luttons ainsi contre la prolifération de cette plante via sa réutilisation.
Avec VITIVALO, un des premiers projets soutenus par la Fondation USMB en 2018, nous travaillons par ailleurs sur la mise en place d’une filière de valorisation des sarments et ceps de vigne pour éviter les brûlages à l’air libre. Les déchets peuvent entre autres être utilisés pour traiter la vigne par exemple. Pour nous, l’approche territoire est importante. Dans ce dernier exemple, nous travaillons avec le syndicat des vins de Savoie, le département de Savoie, l’Institut de la vigne et du vin et de nombreux
autres partenaires.
Et je pourrai également citer nos travaux sur la valorisation du marc de café, développés avec l’entreprise Trialp qui collecte déjà les huiles usagées chez les restaurateurs.

Vous êtes chargé de mission économie circulaire pour l’USMB depuis 2021. En quoi consiste cette fonction ? Comment va-t-elle se traduire concrètement ?

L’université, comme la Fondation, ont intégré l’économie circulaire dans leurs priorités. C’est aussi un des axes de l’université européenne, Unita, dont l’USMB fait partie.
Dans le cadre de cette mission, je suis en train de recenser les formations et modules de formation sur cette thématique et toutes les initiatives d’étudiants ou de personnel existantes. J’établirai ensuite, en collaboration avec les différents services impliqués, un plan d’actions pour avancer dans ce domaine. Au niveau achats durables, gestion des déchets… il y a pas mal de choses à faire. On vient par exemple de lancer d’ores et déjà la collecte des masques usagers pour en faire des vêtements techniques en lien avec des entreprises du territoire. Avec plus de 15 000 étudiants, nous sommes il est vrai un véritable laboratoire à ciel ouvert !
Je vais aussi recenser et coordonner la recherche sur ces thématiques au sein des différents laboratoires de l’USMB.

Vous êtes également partie prenante de la chaire Clée, ce programme scientifique d’excellence consacré à l’économie environnementale et lancé par la Fondation USMB et Grand Annecy en novembre 2021.

Après avoir sondé les entreprises de Savoie Mont Blanc via deux études qualitative et quantitative en 2020, la chaire Clée a effectivement choisi de cibler ses travaux sur trois axes – transition énergétique, économie circulaire et nouveaux modèles économiques – qui mobiliseront des chercheurs de différentes disciplines. Plusieurs thèses seront proposées dans ce cadre dont une sur la valorisation des coproductions fatales.

Vous êtes aussi membre du conseil d’administration de SoluCir, association qui va organiser le 2e salon sur l’économie circulaire les 17 et 18 mai à Annecy…

Depuis peu, la Fondation USMB est adhérente officielle à SoluCir et partenaire ambassadeur. Je représente l’USMB en tant que membre fondateur et membre du conseil d’administration de cette association créée en 2020 par 24 membres-fondateurs, entreprises, institutionnels et acteurs engagés pour l’économie circulaire.
Sur le salon, qui aura lieu mi-mai, nous aurons un stand USMB et Fondation USMB. Nous présenterons notamment nos formations (master en chimie verte et éco-Innovations, parcours d’ingénieur en écologie industrielle et territoriale, etc.) et proposerons un challenge réunissant des étudiantes et étudiants de différentes disciplines à cette occasion.